(Par Véronique Anger. 12 février 2009) Jusqu’à ces derniers mois, on pensait que le Néandertalien avait pu disparaître à cause du changement climatique mais M. Francesco d’Errico, archéologue, chargé de recherche sur le Quaternaire au CNRS, a participé à cette découverte passionnante : l’homme de Néandertal aurait été victime de la compétition avec l’Homo sapiens, et non d’une détérioration du climat. Pour l’homme de Néandertal ou Homo Neanderthalensis, tout commence il y a 40.000 ans dans l’Europe de l’Est et s’achève il y a 2.000 ou 3.000 ans dans la péninsule ibérique, à cause de l’arrivée en Europe de l’Homme moderne(1). Jusqu’à ces derniers mois, on pensait que le Néandertalien avait pu disparaître à cause du changement climatique(2) mais M. Francesco d’Errico, archéologue, chargé de recherche sur le Quaternaire au CNRS, a participé à cette découverte passionnante : l’homme de Néandertal aurait été victime de la compétition avec l’Homo Sapiens, et non d’une détérioration du climat. L’Homme moderne, à la conquête de nouveaux territoires Les scientifiques ne peuvent pas affirmer si les Homo Sapiens ont décidé de remplacer les Néandertaliens en les chassant des territoires qu’ils occupaient, mais ils ont acquis la certitude que les Hommes modernes ont profité du changement climatique pour élargir leur propre niche « éco-culturelle » au détriment des Néandertaliens. La réduction très forte de la niche écologique des hommes de Néandertal ne peut en effet s’expliquer que par la colonisation de leur territoire par les Hommes modernes. On ignore cependant si l’Homme moderne a été agressif sur le terrain, mais on peut déduire qu'il était mieux placé que le Néandertalien pour coloniser les nouvelles niches écologiques. Il est probable que les Hommes modernes aient appris des Néandertaliens des techniques de survie fort précieuses. Et, un petit avantage dans une technique de chasse en milieu hostile peut permettre à une population de chasseurs-cueilleurs d’en remplacer une autre sur 10.000 ou 20.000 ans. L’un prend ainsi la place de l’autre au fil des millénaires et le supplante, sans que cela se passe forcément de manière agressive. Il a pu y avoir un remplacement conflictuel sur certaines zones, mais aussi des échanges culturels et pacifiques dans d’autres. On sait que le même scénario ne s’applique pas à toutes les populations ni à tous les territoires. Le monde selon GARP L’aspect méthodologique ayant permis d’aboutir à cette conclusion est intéressant car, pour la première fois, des archéologues, des modélisateurs de climat, des informaticiens et des zoologistes, ont pu travailler ensemble sur une question concernant notre passé. Cette approche transdisciplinaire (encore exceptionnelle dans les milieux scientifiques) menée par une équipe franco-américaine(3) a permis d’intégrer toutes les données à partir d’un même outil : l’algorithme « GARP ». Généralement utilisé dans la prévision de l'impact des changements climatiques sur la biodiversité, GARP a permis d’appliquer les résultats obtenus à toutes les populations préhistoriques. GARP a ainsi permis aux chercheurs de comprendre les cartes de température, la morphologie du territoire, les sites archéologiques datés (au carbone 14) et habités par les derniers Néandertaliens et les premiers Hommes modernes. GARP a également été utilisé pour comprendre la localisation, l’ère dans laquelle cohabitaient des populations données en fonction des différents types de climats qui ont sévi au cours des millénaires et de comprendre si la « niche » originale avait subi une réduction ou une expansion. A la lueur de ces recherches, et pour faire simple, il apparaît que la zone très limitée de l’ère de répartition des derniers Néandertaliens ne peut s’expliquer que par l’arrivée et l’élargissement de la niche écologique des Hommes modernes. Plus d’infos : - Ecouter l’interview de M. Francesco d’Errico par Joël Le Bigot dans l’émission « Pourquoi pas Dimanche ? » sur Radio Canada - Cette découverte a fait l’objet d’une publication le 24 décembre 2008 dans la revue « Plos1One », « Neanderthal extinction by competitive exclusion ». (1) Homme moderne, homme de Cro-magnon (premier représentant de l’Homo sapiens), Homo sapiens ou Homo sapiens sapiens (ancienne dénomination de l’Homo sapiens de l’ère moderne) constituent en fait une seule et même espèce : l’ Homo sapiens. (2) Un refroidissement général en Europe aurait repoussé cette population dans la péninsule ibérique il y a 30.000 ans. (3) L’équipe est composée de chercheurs du laboratoire « de la préhistoire à l'actuel ». : culture, environnement et anthropologie du CNRS/Université Bordeaux 1/Ministère de la culture et de la communication/INRAP, du Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement du CNRS/CEA/Université Versailles St Quentin, du laboratoire Environnements et paléo environnements océaniques du CNRS/Université Bordeaux 1/Ecole pratique des hautes études) et de l'Université du Kansas.
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