« Il est devenu difficile de refuser l’hypothèse que ce sont des éruptions volcaniques rares et extrêmes qui sont responsables de ces moments où se réoriente complètement l’évolution des espèces, où c’est le plus chanceux plutôt que le mieux adapté qui survit. ». Vincent Courtillot, géophysicien, directeur de l’Institut Physique du Globe de Paris.
- Vidéo de la conférence de Vincent Courtillot : Éruptions volcaniques, changement climatique global et évolution des espèces : des dinosaures, de leur disparition et de notre avenir sur cette planète (dans le cadre du cycle « Les défis scientifiques du 21e siècle » filmés en partenariat par le CNRS/ccsd-IN2P3 le 17 janvier 2006).
- Ecouter et télécharger (fichier audio seul) la conférence de Vincent Courtillot : Les éruptions volcaniques et la disparition des espèces (source : Canal Académie, première radio académique francophone sur internet).
« Il y a 65 millions d’années, la terre a connu la plus célèbre de ces extinctions avec la disparition de tous les dinosaures qui avaient régné sur Terre depuis 150 millions d’années (les oiseaux qui en descendent eux ont survécu).(…) Toutes les espèces naissent, évoluent et s’éteignent ou sont remplacées par d’autres. L’extinction est une élément naturel de la courbe de l’évolution. » explique le directeur de l’IPGP dans son exposé. « A la fin de l’ère primaire, disparaissent les dinosaures. L’évolution reprend ensuite de plus belle. Evolution interrompue par des moments différents, catastrophiques. ». Selon M. Courtillot, l’hypothèse de l’impact d’un gros astéroïde (la thèse de la météorite des Alvarez père et fils qui rencontre un grand succès depuis 25 ans), bien que convaincante n’explique pas tout : « Les éruptions des traps, marqueurs de toutes les grandes phases de la tectonique des plaques et de l’anoxie des océans, ont ponctué le ballet de la dérive des continents. Une météorite peut causer un gros impact, mais pas d’extinction. Les éruptions, elles, peuvent provoquer des extinctions massives. ». De plus, la chute de la météorite serait survenue après l’éruption volcanique : « Il y a une corrélation entre l’âge des traps et l’âge des extinctions en masse des espèces » précise-t-il.
L'humanité a connu plusieurs éruptions catastrophiques comme celle du plateau du Deccan en Inde ou du Laki en Islande, qui ont eu des impacts considérables. En Angleterre et en France à la fin du XVIII° siècle, le Laki (1783-1784) a provoqué une véritable catastrophe écologique et humaine en rejetant, dans l’atmosphère, des acides sulfuriques toxiques, du soufre, du chlore, du fluor et du gaz carbonique… avec pour effet de modifier de façon majeure le climat en créant du froid en surface et du chaud en altitude (la stratosphère se réchauffe, mais la chaleur n’arrive pas en bas) ce qui a diminué le rayonnement solaire et plongé tout l’hémisphère nord dans des brouillards acides persistants. Un événement qui a eu des conséquences désastreuses (pic exceptionnel du taux de mortalité pendant plusieurs mois, brouillards acides, pourriture des feuilles, baisse de l’efficacité du rayonnement solaire, refroidissement brutal,…) et sans équivalent depuis 1783 fort heureusement !
Si le grand public connaît surtout Vincent Courtillot à travers ses prises de position « climato-sceptiques modérées » dans les médias, il est important de préciser que son domaine d’action ne se limite évidemment pas à se battre pour le droit au doute scientifique ou à réclamer un vrai débat sur le réchauffement climatique. Scientifique de renommée internationale, M. Courtillot a publié plus de 200 articles dans de grandes revues scientifiques internationales sur le géomagnétisme (découverte des sauts de variation séculaire ou « jerks »), le paléomagnétisme (collision de l'Inde et de l'Asie, formation du Tibet), la tectonique des plaques au Tibet et en Afar (propagation des déchirures continentales), les points chauds et leurs conséquences en terme de dérive des continents et d'extinction en masse des espèces biologiques. Les derniers travaux de son équipe démontrent l'ampleur des éruptions dans les traps du Deccan il y a 65 millions d'années (crise Crétacé-Tertiaire, avec notamment l'extinction des dinosaures) : des coulées de lave de près de 10 000 km3 ont pu se mettre en place en quelques décennies, polluant l'atmosphère avec des vapeurs de gaz sulfureux.
Membre de l’Académie des sciences depuis 2003 dans la section sciences de l’univers, Vincent Courtillot est docteur ès sciences, diplômé de l’université de Stanford (Californie), professeur de géophysique à l’université Denis-Diderot à Paris, et il a enseigné à l’université de Stanford, Santa Barbara et au California Institute of Technology (Caltech). Directeur de la recherche et des études doctorales au ministère de l’Éducation nationale, conseiller spécial du Ministre de l’Éducation nationale, de la recherche et de la technologie (1997-1998), puis directeur de la recherche (1998-2001), il préside depuis 2002 le Conseil scientifique de la Ville de Paris et exerce parallèlement ses fonctions de professeur à l’université Denis Diderot. Principaux ouvrages de vulgarisation : La vie en catastrophes : du hasard dans l'évolution des espèces (Fayard, 1995) ou Nouveau voyage au centre de la Terre (Odile Jacob, 2009).