(Par Patrick de Friberg, 3 avril 2010)
Titre original : 400 scientifiques français appellent à un Ordre Nouveau de la science pour le salut des générations futures ou: "Que nul n'entre s'il n'est pas géomètre"
"C’est en tant qu’écrivain et citoyen que la -maintenant si connue- pétition, et ses réponses diverses, me sont apparues soudain comme la conclusion d’un chant tragique du théâtre grec. Elles étaient l’aboutissement de la dérive d’une partie du monde scientifique, lancé dans le combat « des générations futures », non pas pour le combat pro-domo ou contre le réchauffement anthropique, mais plus philosophiquement, par la première tentation de l’humanité d’un totalitarisme et d’une gouvernance scientifique. Cette pétition ainsi révélée par le scoop d’une journaliste avant sa publication, m’apparaissait comme la conclusion du lent mouvement de paupérisation culturelle des scientifiques français, séparés de la Cité par la recherche du/des crédits politique(s), fonctionnarisés par la Nation, déçus de n'avoir pas la mission nobélisée de sauver nos enfants, seuls.
Il est question dans le texte principal -celui publié avant que Véronique Anger n'en lance la lecture publique, le faisant résonner jusqu'à l'Élysée comme un poisson de premier avril- d’éthique scientifique et de ses contrevenants, nommément cités. Les signataires nous proposent une profession de foi en trois points sur l'œuvre satanique de l'homme, manipulateur de la Nature et demandent que soient soumis au contrôle de la majorité –non pas la probité, ni la validité- toutes les voies de recherches contestataires de cette science balbutiante dont on veut nous faire croire qu’elle s’appelle « science du climat », alors qu’elle n'est que le reflet compliqué de la somme totale de ce que les présocratiques et Aristote nomment l’étude contradictoire des phénomènes naturels.
Je rappelle, comme la preuve d'un éternel mouvement du trajet de la pensée humaine, que le physiologoï qu’est Hippocrate ou Thalès se permet une approche globale des lois gouvernant le monde et en appelle à toutes les disciplines pour en comprendre sa mécanique. Il est mathématicien ou philosophe, il observe et tente de reproduire par la démonstration et la réplication. Il refuse aux "sens" de le tromper. Jusqu'à ce que je comprenne que j'étais en dehors de "leur" vérité, je pensais qu'au temps de l'interdisciplinarité et de la la globalisation des sciences, qu’un mathématicien, un historien, un géologue, tout expert dans sa spécialité, entrant volontairement dans la discussion climatologique n’avait pour moi -celui qui observe- aucune « illégitimité » et rassurait plutôt mes « sens » citoyens.
Ma surprise du matin, est conséquente au commentaire d'une inconnue -que son adresse IP porte vers des terres connues de la controverse, une filiale du CEA- que tous, de la journaliste, le scientifique non « légitimé » par ses pairs, le citoyen, disons, même, un simple écrivain comme moi, ne puissent s’immiscer dans la réflexion sur l’un des sujets principaux de notre vie planétaire. Dont acte.
Il n’y aurait donc plus qu’un seul bon camp « légitime », les prêtres et leurs disciples baptisés. Ce seraient les ONG validées par le corps scientifique du GIEC, les auteurs et acteurs favorables à l’épilation à froid comme message planétaire, les chanteurs – Attention , je n’ai pas parlé de ceux qui ne paient pas leurs impôts et se cachent dans des paradis fiscaux – et tous les « bons » citoyens qui diffusent la parole cataclysmique de la fin du monde, celle qui prévient les générations futures de l'imminence des mètres d’eau salant tous les verres de Bourbon du monde riche et civilisé et de son envers infernal de tonnes de sables asséchant les rizières des populations déjà affamées. Tous ceux qui n’ont pas le badge offert par Al Gore après le séminaire de crétinisation doivent continuer à diffuser « La mauvaise foi et les erreurs criantes (qui) n'ont pas leur place dans les journaux scientifiques soumis à la relecture par les pairs (mais) malheureusement, (qui) trouvent leur place dans les médias » (sic).
Laissons-nous donc porter vers ceux qui essayent de dénaturer ce terrible terme de négationnisme en oubliant que le corps scientifique sans éthique ni contrôle citoyen a permis l’Inquisition et les tests « in-vivo » du docteur Mengele. Bientôt, ils renieront totalement la Science en oubliant sa vertu cardinale, le doute et feront le rapprochement entre créationnisme et scepticisme. Pourtant, leur discours autour du CO2, « nos usines nucléaires rejettent moins de CO2 que nos forêts » promeut non seulement d’autres lobbies que le tout puissant monde du pétrole (vade retro !) mais surtout la décroissance, vieille rengaine des années soixante-dix, qui a conduit au retour à la nature et aux bons airs de la campagne, nos riches enfants intellos jusqu'aux fermes du Larzac, avant de les faire revenir à la capitale pour terminer Science Po. Pour les autres de cette génération -les plus pauvres et les oubliés- ce furent les champs de Pol Pot et de Mao.
Le mauvais bourgeois est donc de retour ! Il est partout ! Entrez chez lui pour lui couper l’eau chaude ! Coupez-lui la tête, bonnes gens ! Il est le mal incarné quand il veut « des oranges en hiver venues de l'autre bout du monde ? Trois voitures chacun ? Un 4x4 capable de monter à 250 km/h pour aller acheter du pain à l'autre bout de la rue ? ». (Reprends un peu de ce Bourgogne, ma Chérie, je l’ai eu en contrebande). Nous l’avons entendu de la bouche du ministre français, réduisant la discussion écologique au « Allez ! Continuez à consommer 15 litres aux cent ! ». Sous-entendu, l’État français n’a jamais empêché la vente des véhicules électriques, l’émission des magiques « cartes grises » permettant un marché secondaire, ni la libéralisation de l’énergie électrique pour tous, solaire ou éolien. Là on touche à la richesse de notre industrie nationale. Quand il veut vivre libre et fumer son cigare en paix, chauffé au solaire en attendant que les états veuillent bien lui offrir cette énergie verte dont il rêve, le bourgeois nouveau doit battre sa coulpe en plus de le payer avec les dollars qu’il a eu un « mal » fou à gagner.
En cette période d'après Carême catholique, voici donc revenue la notion scientifique de l'éthique envisagée par la civilisation chrétienne du haut moyen-âge et dont s’inspirent tous les systèmes totalitaires, la vieille tentation totalitaire française des idées. Une éthique « pour le seul bien des générations futures » qu'on voudrait contrôlée par l’État, quand il nous est favorable dogmatiquement, sous excuse de « validation », une éthique scientifique qui n’appartiendrait qu’au monde scientifique.
Je suis pourtant un écologiste convaincu, qui connait mieux la vie sous-marine qu’un Le Treut ou une Delmotte (j’hésite à lâcher une méchanceté sur la dame, mais la lecture de ses publications pour les enfants me fait furieusement penser aux publications soviétiques enfantines montrant le futur paradis communiste –un blond au torse puissant- désignant du doigt le présent bourgeois –un petit malingre avec un gros nez- ), j’observe et je constate que l’opinion change. Plus personne n’accepte qu’on continue à jouer du « légitime » pour un Al Gore et un Harisson Ford, un Hulot ou un Artus-Bertrand, un Kempf ou un Foucard, et d’un illégitime pour un scientifique Courtillot ou un Allègre, un Serge Galam ou tout autres scientifiques, ainsi que de n’importe lequel de ces dizaines de milliers de chercheurs de tous horizons qui se découvrent en désaccord avec le grand montage scientifique de la décroissance des pays riches. Oui, mais là, les budgets, ceux qui se réduisent après le fiasco de Copenhague, ne peuvent être donnés à tous… Zut, j’ai mis le doigt sur la plaie ouverte de la climatologie contemporaine.
Allons, revenons aux fondamentaux. Rappelons qu’il n’y a « science sans conscience », comme le rappelle l’excellent rapport de l’UNESCO cité par Véronique, que la dialectique contradictoire, le "dianoia" grec, est l’essence de la recherche scientifique. Félicitons le directeur de l'académie des sciences qui répond aux pétitionnaires que "la science n'est pas l'éco-religion punitive".
J’aime beaucoup la dispute qu'il y eut chez les philosophes et les traducteurs classiques autour de l'avertissement gravé sur le fronton de l'Académie d’Athènes. Il fut longtemps traduit par les moines de notre culture chrétienne en une interdiction de penser, adressée aux non-scientifiques : «Que nul n’entre s’il n’est géomètre ». Il doit pourtant être pris au sens passif du "geômetrètos", « qui peut être objet de géométrie ».
Le texte de Véronique Anger, tout comme l'avertissement gravé par les Athéniens, n'est pas adressé à ceux qui sont ou ne sont pas "géomètres", ces "légitimés" de la bonne conscience décroissante. Je le reçois comme la réponse à tous ceux, les inquisiteurs et les étroits d’esprit, qui ne voudront pas s’ouvrir à l’esprit même de la "géométrie", c’est-à-dire : partager les sciences et les connaissances pour le seul bien commun.".
Patrick de Friberg
Patrick de Friberg est écrivain (thrillers et romans d'espionnage). Il a publié Passerelle Bankovski (JML éditeur, 2005), Homo Futuris et Exogènes (Des idées et des Hommes, 2007), Dossier Déïsis (Le castor astral, 2009), Le Représentant (Alibis, 2010), ... Plus d'infos.