mardi 4 mai 2010

Pétition des 600 : qui sont les climatologues en colère ? Par Rémy Prud’homme, professeur (émérite) des universités


« Au total le nombre des chercheurs confirmés ne dépasse pas 20% des signataires. Si la pétition développait une argumentation, seule compterait la force des arguments et la qualité des signataires importerait peu. Mais elle ne contient guère que des jugements et repose sur la crédibilité des juges. ». Je remercie Rémy Prud’homme, qui m’autorise à reproduire ses conclusions dans ces colonnes.


« Comme l’on sait, 400 « climatologues en colère » (devenus 600) ont écrit une lettre à la ministre de la Recherche pour lui demander de condamner MM. Allègre et Courtillot, nommément visés dans leur pétition. Qui sont les signataires ? Pour le savoir, on a fait dans la liste des 400 un sondage aléatoire au 1/5, et cherché sur internet le statut et l’affiliation de nos censeurs.

La première conclusion est que les chercheurs universitaires sont très minoritaires : 16%. Bien plus nombreux sont les chercheurs du CNRS (27%) et les chercheurs des grands organismes de recherche (40%) comme le CEA, l’IRD (anciennement l’ORSTOM), Meteo-France, ou l’IFREMER. Dans un groupe résiduel (16%), on trouve un fonctionnaire de la Commission européenne, un directeur d’association, des doctorants, quelques étudiants en post-doc, et des chercheurs sans statut bien défini (peut-être des chercheurs sur contrat).

Une exception française…

Le dualisme Université - CNRS et grands organismes assimilés que l’on retrouve ici est une exception française. On connaît deux grands types d’organisation de la recherche : le modèle soviétique ou elle est confiée à des organismes politiquement contrôlés appelés académies, et le modèle américain où elle est le fait des professeurs d’université, comme en témoigne le fait qu’à peu près tous les prix Nobel scientifiques américains sont des professeurs. Le système français offre depuis la dernière guerre une juxtaposition de ces deux modèles, même si en pratique universités et CNRS coopèrent souvent. Depuis une vingtaine d’années, la politique affichée est de rapprocher la France du modèle américain, qui est le modèle dominant dans le monde, c’est-à-dire au profit des universités et au détriment des organismes de recherche. Claude Allègre, lorsqu’il était ministre, et Vincent Courtillot, lorsqu’il était directeur de l’enseignement supérieur, ont œuvré dans ce sens. Ces observations éclairent peut-être la pétition, d’une double façon. Pour régler un différent scientifique des chercheurs du CNRS et de grands organismes publics - dont les patrons sont nommés en conseil des ministres – ont le réflexe d’en référer à leur ministre. Des universitaires indépendants, en France comme dans le reste du monde, trouvent cela moins convenable. D’autre part, il n’est pas interdit de penser que certains des signataires règlent ici un vieux contentieux, et en veulent autant à MM. Allègre et Courtillot pour leurs critiques de l’organisation de la recherche française que pour leurs critiques des thèses carbocentrées.


Une faible tolérance à la contradiction…

La deuxième conclusion de l’analyse des signataires est qu’on semble y trouver davantage de chercheurs juniors que seniors. Les chercheurs confirmés sont les professeurs titulaires des universités et les directeurs de recherche du CNRS. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de chercheurs brillants, féconds ou prometteurs parmi les maîtres de conférences des universités et les chargés de recherche du CNRS (les premiers grades de ces institutions). Mais ils n’ont pas, ou pas encore, fait leurs preuves. Parmi les signataires de notre échantillon, il y seulement 11% de professeurs et directeur de recherches du CNRS. Les 27% de signataires identifiés comme CNRS sont principalement des chargés ou des ingénieurs de recherches. Un certain nombre des chercheurs du CEA ou de l’IRD pétitionnaires ont un niveau et un statut de directeur de recherche, que la consultation d’internet ne fait pas apparaître. On peut tenir pour certain qu’aucun des 16% de divers, dont certains viennent tout juste de soutenir leur thèse, n’a ce statut. Au total le nombre des chercheurs confirmés ne dépasse pas 20% des signataires. Si la pétition développait une argumentation, seule compterait la force des arguments et la qualité des signataires importerait peu. Mais elle ne contient guère que des jugements et repose sur la crédibilité des juges.

Une troisième observation est que les signataires semblent davantage des institutions que des individus. Ce sont apparemment des laboratoires entiers du CNRS, du CEA ou de l’IRD qui ont pétitionné, du directeur à l’ingénieur de recherche. La tolérance à la contradiction semble faible chez les climatologues, à l’intérieur d’un laboratoire donné comme à l’égard des intrus. La contradiction est pourtant ce qui fait le sel de la recherche. ».

Rémy Prud’homme, avril 2010


Professeur (émérite) des universités, Rémy Prud’homme a souvent enseigné au MIT comme professeur en visite. Plus d’infos. Les papiers récents de Rémy Prud’homme en ligne sur son site. Lire notamment son article « Climat : la « pétition des 600 » ruine la crédibilité du Giec » dans L’Expansion du 15 avril 2010.

Illustration extraite du livre « L'imposture climatique ou la fausse écologie » (Plon, février 2010) de Claude Allègre.

Nota : J’ai consacré deux articles à la pétition(1) des climatologues alarmistes et, pour conclure sur ce sujet, je me permets une dernière observation. Il est consternant -sur le plan de l’éthique dont se réclament les initiateurs de la pétition- de ne trouver précisé nulle part sur le texte définitif, qui a signé la version 1 (avec sa profession de foi sur le CO2 et les attaques virulentes contre Claude Allègre et Vincent Courtillot) et qui a signé la version 2. Version revue en catastrophe, et légèrement édulcorée. Sachant que la version 2 a été publiée à 3H12 du matin (heure de Paris… je précise aux lecteurs qui l’ignoreraient que je réside au Canada) et que la version 1 comptabilisait 277 signatures avant modifications, il existe donc 2 groupes de signataires différents. Nulle mention de ce point pourtant essentiel. Ce qui me sidère plus encore, c’est qu’aucun journaliste des grands médias n’ait relevé cette « anomalie »… pour ne pas dire ce manquement à l’éthique. Véronique Anger-de Friberg, auteur de La dernière Croisade. Des Ecolos… aux Ecolomaniaques ! (L’Arganier, novembre 2009). (1) « Climato-scepticisme : Galilée convoqué devant le Saint-office ?» et « 400 climatologues en colère : 2 versions pour une même pétition ! ».

A lire également : Variations sur le thème de l’écolomania.